L'avenir de la fourrure réside dans son passé.

Quel futur pour la fourrure?

 

Je souhaiterais juste éclaircir quelques faits simples et précis concernant le Monde de la fourrure, et par la même occasion affirmer mon point de vue.

J’ai toujours vécu avec un paradoxe compliqué à porter, entre mon Amour pour les animaux et celui de l’artisanat de la fourrure. Puisque j’évolue depuis plus de douze ans dans ce milieu très fermé, je pense pouvoir évoquer le sujet en connaissance de cause.

Commençons par de simples faits.

Cela fait près de 50ans que se joue un combat complètement stérile entre « pro-fourrure » et « anti-fourrure ». La forme? Violente. À celui qui crie le plus fort. Le fond? Une bonne-conscience sans réelle réflexion. À part nous orienter vers des concepts creux et sans logique.

Fait #1 : Quoique l’on fasse, l’élevage de n’importe quel animal en cage est cruel, quelle que soit leur « qualité de vie ». Il n’existe pas de « bons » traitements dans l’élevage intensif. De plus, calquer la production de matières animales sur le fonctionnement du prêt-à-porter est une démarche totalement indécente. La globalisation nous conduit à cette triste réalité: la peau d’un animal élevé en Finlande est travaillée en Asie, avant d’être vendue en Europe.

Fait #2 : Porter des matières synthétiques, et donc plastiques, est un désastre pour l’environnement. La plupart de ces produits proviennent de pays ayant peu d’égards pour les Droits de l’Homme, et une très faible considération pour l’impact écologique. L’humain s’en accommode en oubliant souvent que les animaux eux aussi vivent sur cette planète polluée. Sauver cinq renards pour tuer une baleine n’est pas une solution.

Fait #3 : Trouver de nouveaux concepts « pansements » soit-disant « cruelty-free », dont l’empreinte carbone et la consommation d’eau sont indécentes (comme tous ces concepts de cuir de cactus, de raisin, d’ananas ou le liège…) équivaut selon moi à proposer des batteries au lithium pour remplacer l’essence. Les recherches entamées suite à un raccourci évident aboutissent à de simples sursis. Au contraire, il est selon moi primordial de faire face à la complexité du sujet pour enfin penser sur le long terme.

Arrêtons les excès de production. Arrêtons d’empiler de futurs déchets sur Terre. Pour cela rien de plus simple: réutilisons ce qui est déjà là. C’est la seule solution.

Je ne comprends pas pourquoi le milieu de la fourrure n’a pas encore emprunté ce chemin, étant donné que ce principe existe depuis toujours dans notre métier. Je ne comprends pas non plus pourquoi les activistes n’ont pas eux-mêmes directement proposé cette solution évidente, et cette fois véritablement écologique et cruelty-free. L’éternel combat serait-il plus rentable?

Il est pour moi urgent d’entamer une nouvelle page, d’évoluer de manière logique et responsable, car la fourrure a elle aussi fait payer un lourd tribut à l’environnement.

La fourrure recyclée, que j’appellerai « la Fourrure 3.0 », permettrait de palier à tous ses précédents propres excès:

 

FOURRURE 1.0 : La période de fourrure sauvage, qui se trouve à la base du développement de l’Homme, durant laquelle la chasse et le trapping ont pris des proportions démesurées impossibles à contrôler. Les animaux traqués à l’excès comme les peuples vivant sur ces territoires à fourrure ont subi les conséquences d’abus. Bien qu’entièrement artisanale, ses pratiques ont malheureusement franchi les limites du raisonnable.

FOURRURE 2.0 : La période de la fourrure d’élevage, décrétant que pour éviter d’assassiner tous les animaux de la planète, on les élèverait selon nos besoins. Encore une fois les sommets de la décadence ont été atteints, en incluant cette matière animale (et accessoirement vivante) dans un système de mondialisation industrielle. Inutile de préciser que chaque année, « les besoins » augmentent … Comme si cela ne suffisait pas, on a décidé sans aucune honte de tuer un artisanat unique, en arrachant aux artisans locaux leur travail. Une bien belle période ni écologique, ni artisanale, et encore moins humaine.

FOURRURE 3.0 : La période de la fourrure recyclée, celle que l’on vise aujourd’hui, non plus pour un « demain » éternellement reporté. On réutilise dès maintenant tout ce que nous avons à portée de main sur Terre, on fait perdurer un artisanat ancestral en réveillant son activité, et on laisse les animaux en paix. On crée la nouveauté à partir d’une matière ayant sa propre histoire, écologique, artisanale, et prenant soin de l’humain.

C’est seulement d’une logique implacable. Là, devant nous.

Les « pro-fourrure » me diront : « On a  « besoin » de nouvelles peaux » … Étant donné tous les stocks d’invendus depuis longtemps, je pense pas que le mot « besoin » soit adapté.

Les « anti-fourrure » me diront que tout ce qui est en fourrure est horrible et proposeront de tout brûler… Brûler l’existant plutôt que le transformer artisanalement? On en revient aux désastres écologiques… Et par quelle matière écologique faut-il les remplacer ?

Je me positionne clairement contre l’élevage intensif et la fausse fourrure. Il n’y a pas de combat valable pour moi, simplement du bon sens.

Moi-même je n’ai cessé d’évoluer en douze ans de carrière, pour trouver une solution en accord avec ma passion et mes valeurs.

Du Prêt-à-porter je suis passé à la Couture puis au sur-mesure, car l’augmentation du nombre de pièces en production était pour moi dérangeant.

Mon vestiaire personnel a toujours contenu de la fourrure recyclée. Dès que possible je l’intégrais dans mes défilés.

Quand j’ai réalisé l’ampleur de tous ces abus en 2015, j’ai totalement mis en veille mes collections le temps de trouver une solution en ne me concentrant que sur le principe de pièce unique et de sur-mesure. Pour ensuite découvrir que mon artisanat prenait tout son sens dans le recyclage.

Mon métier ne consiste pas à exécuter des animaux mais bien à travailler une matière. La recycler ne diminue pas la valeur de mon artisanat… cela l’aide au contraire à évoluer.

Maintenant que j’ai décidé de travailler uniquement en fourrure recyclée, je réalise que ceux qui voudraient faire le même choix que moi peuvent rencontrer de grandes difficultés. Je veux donc concrétiser mon projet à plus grande échelle en structurant VQ, leur permettant de se positionner et d’agir à leur tour.

J’espère bien que ce projet sera reproduit: il existe une place pour tous, et je suis convaincu que dans cette fourrure recyclée se cache une nouvelle matière vertueuse.

Avec ma façon, mes moyens, mes connaissances et mon expérience dans ma spécialité je propose une solution pour donner un coup de pouce réfléchi à notre planète, en réduisant la surconsommation et sauvant un artisanat en perdition.

Encore une fois, les deux extrêmes qui se battent depuis tant d’années n’ont ni proposé ni abouti à aucune solution concrète et sensée, mais continuent de nourrir ce combat à gros coups de buzz remplis de mensonges et rumeurs.

Concrétiser ce que je propose est simple: remplaçons l’élevage et l’abattage d’animaux par le sourcing et le démontage de manteaux.

En observant la situation avec un peu d’objectivité vous verrez que je mets seulement à jour une évidente vérité.

À ceux qui dirait que je retourne ma veste, je répondrai simplement que non, je ne retourne pas ma veste… je la remets seulement dans le bon sens. Celui dont nous avons tous besoin aujourd’hui pour ne plus faire autant d’erreurs demain.

Mes jeunes confrères et moi sommes justement l’Avenir de ce métier. Nous puisons nos inspirations, notre Savoir, nos forces de ce passé. De ce qu’il faut changer, et de ce qu’il faut voir perdurer.

Pour moi, l’Avenir de la fourrure réside dans son Passé.

 

– Quentin Veron




The future of fur lies in its past.

What future for fur?

I would just like to clarify a few simple facts about the World of Fur, and, at the same time affirm my point of view.
I have lived with a complicated paradox to carry, one that is torn between my love for animals and the one I have for the heritage of the craftsmanship of fur. I have been working for more than 12 years in the fur industry, and I know it from the inside—I’ve seen its evolution and it’s extreme controversy. It’s imperative to begin this story with the facts.
For nearly 50 years, a nonsense battle has been played out between « pro-fur » and « anti-fur. » How? Violently. To the one who shouts the loudest. For what? A good conscience without real reflection, which leads the consumer to empty concepts and without logic.
Fact #1: Raising any animal in a cage is cruel, regardless of their « quality of life. » There are no « good » treatments in intensive livestock farming. In addition, modeling the production of animals like the production of ready-to-wear is an indecent approach. Globalization leads us to this sad reality: the skin of an animal raised in Finland is then manufactured into garments in Asia, before being sold in Europe.
Fact #2: Wearing synthetic materials—such as various forms of plastics which are used in plush faux fur—is a disaster for the environment. Most of these products come from countries with little regard for human rights, and very low consideration for their ecological impact. But even if it looks better for animals, people often forgets that animals also live on this polluted planet. Saving five foxes to kill a whale is not a solution.
Fact #3: Finding new concepts called « cruelty-free, » whose carbon impact and water consumption are indecent (like all these concepts of cactus leather, pineapple…) is, in my opinion, equivalent to offering lithium batteries to replace gasoline. It is just another obvious shortcut, which leads only to short-term reprieves.
It is, for me, essential that we face the complexity of the subject to finally think in the long term.
Let’s just stop the excess of production. Let’s stop adding stuff to Earth. And there is a simple solution : let’s reuse what’s already here.
I do not understand why the fur industry has not yet taken this path, as its’ something that has always existed in our profession. Nor do I understand why the activists themselves did not directly propose this obvious solution ; finally, for once. a truly ecological and cruelty-free one. Perhaps to keep the fight is more profitable than to find a solution?
It is urgent for me to start a new journey, to evolve, logically and responsibly, because fur has already made the environment pay a hefty price.
The recycled fur, which I will call « Fur 3.0,  » would make it possible to overcome all its own previous excesses :

FUR 1.0: The period of wild fur—which lies at the base of human development—during which hunting and trapping grew to disproportionate proportions that were impossible to control. The excessively hunted animals (as well as the people living in these furry lands) have suffered the consequences of abuse. Although entirely artisanal, this practice has unfortunately crossed the limits of rationality.
FUR 2.0: The period of breeding fur, in order to avoid murdering all the animals on the planet, we decided that we would breed them according to our needs. Once again the heights of decadence have been reached, by including this animal material (and hence, living beings) in a system of industrial globalization. Needless to say that each year, “the needs” increase. As if that were not enough, we decided without any shame to kill a unique craft, by snatching their work from the local artisans. A very beautiful period neither ecological, nor artisanal, and even less human.
FUR 3.0: The period of recycled fur—the one in which we must aim for today—no longer for a “tomorrow” that is eternally postponed. Let’s reuse everything we have at hand on Earth, and let’s save an ancestral craft by reviving its activity, and let’s leave the animals in peace. We create novelty from a material with its own history, heritage, ecological, artisanal, and caring of the being.
It is just simple logic, and it’s in front of our eyes.
The « pro-fur » will say to me: « We » need « new skins. » Given all the insane amount of sleeping stocks left unused, I do not think that the word « need » is appropriate.
The « anti-fur » will tell me that everything in fur is horrible and will threaten to burn everything. Burn the existing rather than artisanaly transform and reuse it? That would be another ecological disaster, and a second death to the animals used. And with what ecological material should they be replaced?
I take a clear stand against intensive breeding AND faux fur. There is no good fight for me, just common sense.
And me ? I have not stopped evolving in the 12 years of my career, to find a solution in accordance with my passion and my values.
From ready-to-wear, I moved into Couture and then to tailor-made, because the increase in the number of pieces in production was disturbing for me.
My personal vestiaire has always contained recycled fur. And as much as possible, I incorporated it into my shows.
But when I realized the extent of all these abuses in 2015, I totally put my collections on hold, and realize it was time to find a solution, and I focused only on the unique tailor-made pieces. To finally discover that my craftsmanship made perfect sense in recycling.
In fact, my job and my craft does not consist of killing animals but in working a fabulous material. Recycling it does not reduce the value of my craft ; on the contrary, it helps it to evolve.
Now that I have decided to work only in recycled fur, I realize that those who would like to make the same choice as me may encounter great difficulties. So I want to use my project on a larger scale by structuring VQ, allowing those designers and various companies around the world who do want to work in fur, to position themselves and take action.
I do hope that this project will be reproduced: there is a place for everyone, and I am convinced that in this new recycled fur industry that I am creating, there is a new virtuous material.
It’s my way, using my knowledge and my experience in my specialty to propose a solution to give a hand to our poor planet, by reducing overconsumption and saving a craft in perdition.
Once again, the two extremes that have been fighting for so many years have neither proposed nor resulted in any concrete and sensible solution, but continue to fuel this fight with heavy buzz filled with lies and rumors.
Making what I propose is simple: let’s replace the breeding and slaughter of animals with the sourcing and disassembling of coats.
If you look at the situation with a little objectivity you will see that I am only bringing to light the obvious truth.
To those who would say I’m turning my back on my industry, I’ll just say no, I’m not turning my back, I’m just trying to lead them to the right direction. The solution we all need today so that we don’t make so many mistakes tomorrow.
My young colleagues and I are the Future of this profession. We draw our inspiration, our knowledge, and our strengths from this past—from the artisans we gleaned our craft from—and now we know what to change, and what we want to preserve.
For me, the future of fur lies in its past.

– Quentin Veron